De l’épreuve olympique de cross-country au perpétuel voyage sur la route, Sam Schultz ne vit que pour le vélo de montagne. Il a grandi en visant la première place du podium et a toujours été stimulé par l’adrénaline des compétitions serrées.
En ce moment, Sam travaille fort pour lancer une ligue jeunesse de vélo de montagne au Montana, il anime des ateliers de formation pour cyclistes en Arizona, et il parcourt les États-Unis dans sa fourgonnette, son chien Pancho assis sur le siège passager. La longue aventure de Sam sur la route lui a donné une toute nouvelle vision du vélo et de la vie.
Où as-tu grandi et où vis-tu, en ce moment?
Sam Schultz : J’ai grandi à Missoula, dans le Montana, et c’est toujours là qu’est mon chez-moi. Comme beaucoup de jeunes, j’étais impatient de déménager quand j’ai terminé le secondaire, mais il n’a pas fallu longtemps pour que je revienne et que je prenne conscience que j’étais sacrément chanceux d’avoir grandi dans le coin.
Qu’est-ce qui t’a fait commencer le vélo?
SS : C’est mon oncle qui nous a donné la piqûre du vélo, à mon frère et moi. On a grandi près d’un chouette réseau de sentiers qui était juste derrière notre cour. On a donc naturellement eu envie d’aller l’explorer. Mon oncle Chuck était un cycliste de montagne passionné qui nous a montré tout ce qu’on pouvait faire sur un vélo, alors ce sport est vite devenu une obsession, et j’ai rapidement demandé à mes parents de me conduire à ma première course (à la suggestion de mon oncle).
Quel a été ton parcours jusqu’aux Jeux olympiques? Est-ce qu’on t’a préparé tôt à la compétition?
SS : J’ai participé à ma première course à l’âge de 13 ans, et dès que je l’ai terminée, je n’avais qu’une chose en tête, recommencer. Mon frère s’y est rapidement mis lui aussi, suivi de mon père. Mes parents ont été d’un incroyable soutien, prêts à charger la minifourgonnette avec les vélos et le matériel de camping et à parcourir toutes les routes du Montana, puis du pays entier. Pendant mon avant-dernière année de secondaire, je me suis donné pour objectif de faire partie de l’équipe du championnat du monde et j’ai réussi tant bien que mal à me joindre au groupe. L’année suivante, j’ai été invité à suivre un programme de développement U23 créé par USA Cycling, et c’est ce programme qui m’a permis de participer à des courses de la Coupe du Monde. Après plusieurs années de compétition internationale, j’avais suffisamment progressé pour obtenir mon premier contrat professionnel. Mon rêve devenait réalité. Je n’avais jamais vraiment envisagé les Jeux olympiques jusqu’à ce que je sois nommé dans l’équipe qui allait concourir aux Jeux de 2008. Je n’en ai finalement pas fait partie, mais je savais que j’avais mes chances pour 2012.
Tu t’es donc rendu jusqu’aux Jeux olympiques de Londres en 2012. Est-ce que ça ressemblait à ce que tu t’étais imaginé?
SS : C’était incroyable de représenter mon pays lors de la plus grande compétition sportive de la planète. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point ce serait fort d’être encouragé par tous les gens de chez moi. J’étais très nerveux et ça a vraiment été une expérience hors du commun. Je suis arrivé 15e, ce jour-là, un résultat dont j’étais très fier. Le seul inconvénient de la course de vélo de montagne, c’est qu’elle avait lieu le dernier jour des Jeux olympiques. J’ai dû manquer plusieurs fêtes mémorables, cette semaine-là, mais la cérémonie de clôture était vraiment un moment spécial.
Peux-tu nous décrire ton rôle à la Cycling House de Tucson?
SS : À la Cycling House, je suis à la fois guide d’excursion et directeur de camp. Ça va faire 11 ans que je travaille régulièrement avec eux. Un de mes meilleurs amis actuels, qui faisait des courses de vélo avec moi à la fin du secondaire, a lancé l’entreprise deux ans avant que je ne m’associe au projet. On organise des circuits de vélo tout inclus à partir d’une grande maison au milieu du désert, où on mange bien, où on profite de nombreux espaces de détente et où on rencontre des gens géniaux. On propose aussi maintenant d’autres excursions ailleurs au Montana et dans le monde. On travaille comme des fous, mais on est tous de très bons amis et on a des clients vraiment intéressants. On passe beaucoup de temps avec eux, et quand des gens pour la plupart issus de milieux totalement différents se retrouvent autour du vélo, ça amène bien souvent du respect, des conversations passionnantes et de nouvelles amitiés.
Parle-nous de la ligue de vélo de montagne que tu aimerais créer pour les jeunes du secondaire au Montana.
SS : Depuis que j’ai dû arrêter la course en raison de problèmes de dos et de plusieurs opérations, j’ai décidé de me laisser du temps pour vivre ce que j’appelle une « semi-retraite-temporaire ». La vie de retraité, c’est bien, mais j’ai eu besoin de me trouver un projet qui me pousse à être moins centré sur moi-même et à transmettre ma passion du vélo.
Je me suis naturellement intéressé à un projet de la NICA (National Interscholastic Cycling Association), un organisme faisant la promotion des courses de vélo de montagne dans les écoles secondaires. La NICA intervient dans 22 États partout au pays et est en pleine expansion. Le Montana n’a pas encore de ligue, et c’est pour moi une occasion incroyable de rendre le vélo de montagne plus accessible aux ados de mon État. Je me rends compte de la chance énorme que j’ai eue de découvrir ce sport à un jeune âge, et de tout ce que ça a pu m’apporter. J’aurais tout fait pour embarquer dans l’aventure, si un programme comme celui de la NICA existait à mon époque, alors je suis vraiment impatient de concrétiser ce projet.
Et comment ton chien, Pancho, est arrivé dans l’histoire?
SS : Il y a exactement un an, j’ai fait un petit voyage en moto au Mexique. J’avais deux semaines de vacances et je voulais découvrir un nouveau pays, parcourir de belles routes, et bien sûr, manger de délicieux tacos. À la fin de mon parcours, je suis passé à côté d’une décharge en feu. Des volutes de fumée noire se détachaient du superbe paysage de bord de mer. J’étais fasciné et j’ai dû m’arrêter pour aller voir ça de plus près.
La première chose que j’ai distinguée dans la fumée, c’était un chiot qui me regardait dans une bonbonne d’eau. Je l’ai aidé comme j’ai pu en lui apportant de l’eau et de la nourriture, mais après mon retour à Tucson, je ne pouvais pas m’empêcher de repenser à lui. Je suis retourné sur place avec ma camionnette quelques jours plus tard, et j’ai constaté qu’il n’y avait pas un, mais quatre chiots : trois noirs et bruns et un petit maigrichon tout blanc. Je me suis mis à leur courir après parmi du verre brisé, dans une décharge en feu, au crépuscule, et je n’arrivais pas à les attraper.
La nuit est tombée rapidement, alors je me suis concentré sur le plus petit d’entre eux, le blanc. Il s’est endormi sur une pile de déchets pendant que je le poursuivais, et je l’ai pris dans mes bras. Il pesait moins de cinq livres, sentait le poisson pourri et était couvert de puces et de tiques. Comme je me suis senti coupable de le séparer de ses frères, j’ai laissé la porte de la camionnette ouverte pour lui laisser une chance de se sauver. Il s’est assis et m’a regardé. Je vous épargne le reste de l’histoire (avec le passage de la frontière et tout ce qui a suivi), mais je pourrais en parler plus longtemps autour d’une bière!
Tu sembles avoir quitté le monde la course dans des conditions plutôt difficiles. Comment ça s’est passé et comment réussis-tu à étancher sainement ta soif de compétition?
SS : La période qui a précédé la fin de ma carrière de coureur a été longue et éprouvante. J’ai eu deux blessures au dos assez graves, une qui m’a provoqué une infection de la colonne vertébrale et une autre qui m’a laissé avec les vertèbres L4 et L5 soudées par des tiges et des vis. L’année avant et après chacune de mes deux opérations, je me suis consacré à mes exercices de rééducation avec une obstination comme je n’en avais encore jamais connu. J’avais des œillères, je voulais absolument revenir dans la course. Je crois que mon esprit de compétition m’a rendu un peu stupide à ce moment-là. Je pense qu’une personne sensée aurait jeté l’éponge bien plus tôt. Mais j’ai toujours pensé que le travail était payant. Tout au long de ma carrière de coureur cycliste, mes efforts ont été récompensés, et j’en suis très reconnaissant.
Je n’ai jamais eu une VO2max et un seuil anaérobie lactique très élevés. Mon taux d’hématocrite était si bas que mes tests sanguins révélaient toujours de l’anémie. Selon les laboratoires, je devais ralentir, mais je n’ai pas dévié de mon objectif, j’ai pris du plaisir, j’ai travaillé dur, et le reste appartient à l’histoire. Arrêter la course a probablement été l’une des décisions les plus difficiles que j’ai eu à prendre, mais aussi l’une des meilleures. J’ai eu l’occasion de changer totalement de perspective. Je vivais dans une bulle où j’étais obsédé par ce que je faisais, où la course était toute ma vie. Puis, j’ai arrêté, et c’est dur de voir les résultats.
Comment as-tu réussi à garder une place pour le vélo dans ta vie?
SS : Quand j’ai finalement compris que je ne pouvais plus être coureur professionnel en raison de ma grave blessure au dos, je ne savais pas vraiment quoi faire. J’ai pensé que ça pourrait être cool de devenir ambassadeur d’une marque, mais essayer de se vendre sous cet angle, ça représente aussi tout un défi. J’ai réussi à obtenir quelques petits contrats, mais rien de suffisamment sérieux qui justifie que j’abandonne ce qui me passionne vraiment. C’était un mal pour un bien, car ça m’a forcé à trouver un projet qui me ressemble pour incarner réellement cette authenticité que j’essayais de vendre. J’ai commencé à faire ce que j’aimais, et ça a attiré des commanditaires avec lesquels j’ai réussi à monter quelque chose de chouette.
Quand tu voyages en camionnette, c’est quoi ton rythme?
SS : Presque toujours, je dirais que plus j’ai du temps pour aller d’un point A à un point B, le mieux c’est. Il y a tellement de choses à voir sur la route, et la camionnette a un côté très pratique. Il suffit de s’arrêter, et tout est là : votre garage à vélos, votre commode, votre vestiaire, votre cuisine, votre lit. Les meilleurs moments du voyage, c’est quand la camionnette est stationnée. Quand je m’arrête, que je me gare et que je profite des lieux. C’est ça qui m’anime. On ne m’attend nulle part, et j’ai la journée pour me rendre où j’ai décidé d’aller. Voilà comment j’aime me déplacer avec ma camionnette.
Quels sont tes prochains objectifs sportifs?
SS : Les sportifs d’endurance atteignent rarement un haut niveau sans être sacrément égoïstes. Ils doivent prendre soin d’eux-mêmes, et leur réussite repose en grande partie sur leurs épaules. Ils finissent par faire beaucoup de sacrifices et a avoir du mal à concilier ce qui est bon pour eux avec ce qu’on attend d’eux. J’essaye d’être un peu moins égoïste, car je me suis entraîné toute ma vie pour faire partie des meilleurs. Je dis « un peu moins », car je sais que je suis encore loin du but.
Je prends aussi le temps de réfléchir à ce qui me rend vraiment heureux. Si j’ai la possibilité de partir sur les routes avec des gens intéressants et d’avoir des moments à moi où je peux relaxer, je me porte généralement bien. J’aime encore beaucoup me dépasser physiquement et je me sens privilégié de pouvoir continuer à le faire même après tout ce que mes blessures m’ont fait subir. « La seule chose qui me procure autant de plaisir que d’accomplir quelque chose par moi-même, c’est de partager cet accomplissement avec quelqu’un. La plupart des gens apprennent ça à la garderie, mais ç’a été une assez grosse révélation pour moi. »
Quel conseil donnerais-tu à des personnes qui envisagent d’abandonner une vie conventionnelle pour partir à l’aventure?
SS : Beaucoup de gens s’épuisent à essayer d’imiter ce que font les autres. Tout vient avec des sacrifices, l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Je pense que réussir à profiter pleinement de l’instant présent est vraiment le meilleur conseil que je pourrais donner.
Il me reste encore beaucoup de choses à apprendre, c’est sûr. J’ai 32 ans, je n’ai pas vraiment de carrière en ce moment, et parfois, je me dis « merde, qu’est-ce que je suis en train de faire de ma vie? ». Puis, je réalise que je peux partir en vélo où bon me semble, travailler quand ça me chante, et combiner tout ça comme j’en ai envie. Tant que j’ai la possibilité d’apprendre, j’ai l’impression que ça vaut le coup. Je ne pense pas que je vivrai éternellement « sur la route » – je ne l’espère pas en tous cas –, mais je ne regretterai pas toutes ces années de voyage, ça c’est sûr.
Cette saison, Sam Schultz partage son temps entre les modèles Solo, Instinct et Element. Il envisage de participer à plusieurs courses comme la BC Bike Race et la Downieville Classic, mais a surtout hâte de repartir sur la route avec sa camionnette pour faire d’incroyables randonnées à vélo, accompagné de son fidèle Pancho.